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Les tournées du Préfet Gamot

15 Novembre 2008, 16:32pm

Publié par Webmaster

On parle beaucoup de la suppression des départements !
Revenons à l'époque où ils ont été créés par Napoléon Bonaparte avec les aventures lozériennes du 3ème Préfet de Lozère.



Nous avons eu entre les mains un document qui a été publié dans le bulletin du Centre d'études et de recherches de Mende Mémoire N°2 "Les tournées du Préfet Gamot la Lozère à la fin du premier Empire"


Nous avons obtenu l'aimable autorisation du Directeur des Archives départementales pour publier ce document qui nous a paru intéressant voire amusant.
En effet le Préfet Gamot fait le tour de la Lozère  "accompagné de M. le Sous-Préfet de l'Arrondissement du canton de Mende, l'Ingénieur en Chef du département et le Capitaine de Gendarmerie, tous à cheval"
Le but de ces tournées est en quelque sorte un rapport concernant l'état des routes et des chaussées, descriptif des villages traversés ainsi que des notables occupant ces villages et bourgs mais un descriptif politique comme vous pourrez le constater.

Nous avons essayé d'agrémenter ce document de diverses cartes postales anciennes concernant les secteurs traversés.

Nous  présenterons ce document en plusieurs épisodes.


Quelques mots sur le Préfet Gamot :

Charles-Guillaume Gamot est né  le 2 octobre 1767 au Havre ; beau-frère du Maréchal Ney, il s’intéresse très tôt au département ; troisième préfet de la Lozère, il est installé le 19 avril 1813. Il visite à fond toute la Lozère par plusieurs voyages. ll est ensuite nommé préfet de l’Yonne. Il meurt à Paris le 20 mars 1820.  ( source : AMILO )






 
Les Tournées du Préfet Gamot : La Lozère à la fin du premier Empire


Le compte-rendu des journées du préfet Gamot (série M des Archives départementales de la Lozère) a été en partie publié de 1950 à 1956, dans plusieurs numéros du Bulletin de la Société des Lettres. Le Centre d'études et de recherches a estimé qu'il était utile de le publier intégralement en une seule publication qui forme le Mémoire n 2 du CER (
Un classement provisoire de cette série M avait d'abord fait penser que le baron Florens, deuxième préfet de la Lozère, était l'auteur de ce rapport. Or il fut remplacé à la tête du département le 12 mars 1813 par le « sieur (jamot, administrateur des Droits réunis » qui fut installé le 19 avril 1813. C'est donc ce dernier qui est l'auteur de ce document. (Cf. Notre article « Les Préfets de la Lozère ss, Bulletin du CER, n 3)..

Benjamin BARDY

1re Tournée dans le département de la Lozère




Arrondissement de Florac

Je me suis mis en route le 21 juin 1813, accompagné de M. le Sous-Préfet de l'Arrondissement du canton de Mende, l'Ingénieur en Chef du département et le Capitaine de Gendarmerie, tous à cheval.

Ire journée - 21 juin

De Mende au Pont-Neuf.

- En partant de Mende pour Florac la route se dirige d'abord vers l'ouest, jusqu'au Pont-Neuf à une demi-lieue de Mende.
Cette partie de route est fort vieille, les empierrements ont bien pris, le chemin est uni et solide. Les plantations qui bordent la route sont en noyers et peupliers, les fossés sont nettoyés et les murs de soutènement en bon état. Les parapets du Pont-Neuf sont à refaire. L'arche de ce pont, qui a 60 pieds d'ouverture, n'a point conservé son plein cintre. M. l'ingénieur prétend que malgré cela elle est solide.


Du Pont-Neuf à Balsièges.

 - Du Pont-Neuf à Balsièges, petit village qui est à environ une lieue plus loin, la route se porte vers le sud en serpentant sur les bases des montagnes dont les vallons servent de lit à la rivière du Lot. Il y a peu de parties de grandes routes dans le département qui menace le voyageur de plus de dangers. Non seulement les murs de soutènement fort élevés offrent partout des précipices, mais encore d'énormes rochers calcaires entassés les uns sur les autres sous mille formes différentes semblent ne pas tenir à la terre.
Plusieurs sont fendus dans toute leur hauteur et paraissent prêts à tomber. Souvent quelques parties s'écroulent et encombrent le chemin. Ces rochers, qui ont 300 à 400 pieds d'élévation, sont d'une couleur grisâtre. Quelques plantes et arbrisseaux croissent dans leurs fissures. On y remarque entre autres la lavande commune, le bois de Ste Lucie, des cytises de plusieurs espèces, des lins à fleurs jaunes, etc., etc..
 Le chemin est nouvellement empierré dans quelques parties et solide partout. Il n'en coûtera pas beaucoup de dépenses pour le mettre en bon état,parce que les matériaux sont à pied d'oeuvre.
Le pont de Balsièges n'est pas solide on se prépare à le refaire. Déjà, on amasse des matériaux qui m'ont paru très propres à leur objet. Ils sont d'une pierre calcaire fort concrète et fort dure. Comme il n'y avait point de conscrits en retard à Balsièges, je ne m'y suis point arrêté.
 Ce village fort pauvre est composé d'une trentaine de mauvaises maisons, bâties sans ordre sur une petite élévation formant presqu'île qui se trouve dans une gorge du Lot, entre la rivière du Lot et celle du Bramont.


De Balsièges à Molines.

-    En quittant Balsièges, on monte la côte appelée du Choizal  qui a environ une lieue de longueur. Cette côte est bien tracée et généralement bonne, ses lacets sont sujets à moins de frais que beaucoup d'autres, parce que les flancs de la montagne sur lesquels ils sont tracés sont couverts de bois rabougris qui arrêtent les éboulements, on travaille en ce moment sur le haut de la côte à une partie d'empierrement et on fait sauter un rocher calcaire qui nuit au chemin et qui fournit des matériaux très bons.
-    Le haut de la montagne présente le Causse de Sauveterre que l'on parcourt en se dirigeant vers le sud-ouest. J'ai déjà dit à V.E. que ce qu'on appelle les Causses sont des plateaux très élevés, qui reposent sur d'énormes bancs de pierres calcaires. En général, ils offrent l'aspect de la stérilité et sont fort dangereux en hiver parce que la neige qui les recouvre souvent effaçant les traces des chemins et aucun arbre n'indiquant la route, le voyageur est exposé à s'égarer et à périr dans les fondrières. Chaque hiver en offre de fâcheux exemples. Le Causse de Sauveterre est une vraie terre de désolation. Deux misérables hameaux se trouvent à peu de distance du chemin, sur la gauche le premier appelé Le Freyssine et le second la Basalgète. Ils sont tellement entourés de pierres blanchâtres, que de loin ils semblent sortir de dessous la neige. Quelques petits morceaux de terre épars sont semés en grains et doivent à peine payer la semence. Ce qui fait exister ces deux hameaux c'est la facilité qu'ils ont de faire paître leurs troupeaux sur une étendue considérable de terrain. Les moutons trouvent entre toutes ces pierres une petite herbe, courte et une grande quantité de plantes de différentes espèces qui leur conviennent beaucoup. Ces plantes sont le plus souvent « aira cario... s> « poa rigida s> ; on y rencontre aussi l'Adonis vernalis, jolies plantes jaunes et  laurinées de nos jardins


Après avoir marché deux heures sur le Causse de Sauveterre , on arrive à la côte de Moline qui prend son nom d'un hameau qui se trouve au pied à l'entrée du vallon d'Hispagnac. Cette côte a cinq quarts de lieue de longueur. Elle est généralement bonne. La partie inférieure dans laquelle on a pratiqué des lacets est sujette aux éboulements et conséquemment plus dispendieuse que la partie supérieure. Il y a quelques murs de soutènement qui se sont écroulés et qu'on va faire rétablir.


De Moline à Hispagnac.


 - Au pied de la côte on passe sur le pont de Moline qui vient d'être rétabli, on traverse le hameau composé d'une vingtaine de maisons en bon état et après un quart d'heure de marche on arrive à Hispagnac. C'est une chose remarquable que la différence de climat que l'on éprouve entre les Causses et les vallons et même entre tel ou tel vallon. A Mende, tout est tardif, on mange les cerises au mois d'août, on ne voit point de vignes, à peine commence t-on la coupe des foins.


A Hispagnac, les fruits y sont précoces. Il y a beaucoup de vignes et les foins sont coupés depuis quelque temps. La Nature dans ce valIon a tout un autre aspect. Sa verdure est moins triste, et les flancs de ses montagnes sont plantés en châtaigniers.




Hispagnac est un joli village d'une centaine de maisons. Il est placé sur la droite du Tarn qui n'est qu'un torrent où il y a peu d'eau en été, mais qui pendant l'hiver se grossit beaucoup et ravage souvent les établissements qui se trouvent sur ses rives.


Je me suis arrêté environ une heure dans ce village. Le maire et celui de Quézac, village voisin m'y attendaient avec les curés des deux paroisses. Ces hommes m'ont paru persuadés qu'il importait au bonheur et à la tranquilité du païs qu'il ne s'y trouvât ni déserteurs ni insoumis. Hispagnac et Quézac ont ouvertement résisté à la Conscription. J'ai déclaré que la garnison resterait dans le païs jusqu'à ce que tous les retardataires fussent rendus. On m'a promis de les faire partir sous peu de temps. Depuis mon retour à Mende la plus grande partie s'est rendue.


D'Hispagnac à Florac.

 - La route d'Hispagnac à Florac serpente sur les bords du Tarn. Elle est élevée sur des murs de soutènement qui m'ont paru en bon état mais le fond du chemin n'est pas solide parce que le terrain étant schisteux, les pluies le disloquent et le rendent très pénible pendant l ' hiver. On a essayé quelques empierrements avec les cailloux éversés du Tarn. On a choisi de préférence les granitiques et les quartzeux. Ces empierrements m'ont paru solides et comme ce procédé peut être suivi d'Hispagnac à Florac, on doit espérer d'avoir un bon chemin entre ces deux points. Le sol d'Hispagnac est schisteux, mêlé de quelques bancs de quartz. Les châtaigniers poussent avec vigueur sur le schiste même à nu. On fait un trou dans cette substance avec un instrument de fer, on y porte un peu de terre et l'arbre y croît assez promptement. Les racines se font place entre les couches lamelleuses des schistes et y trouvent sans doute l'aliment qui leur, convient. Le châtaignier couvre les montagnes du vallon d'Hispagnac comme celles de toutes les Cévennes. Il sert à la nourriture des habitants ; c'est une espèce d'arbre à pain extrêmement précieux pour le païs. Il y a cinq ponts ou ponceaux à passer d'Hispagnac à Florac. Ils sont en assez bon état. Celui de Florac est à refaire.



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